PAYSAGES AVEC FIGURES ABSENTES
de Philippe Jaccottet

HANGARS
de José-Flore Tappy

interprétation : Marie-Aude Guignard, Giorgio Brasey
musique : Gaëlle Graf (voix, violoncelle)

les ouvrages :
Philippe Jaccottet, Paysages avec figures absentes, éd. Gallimard, 1976
José-Flore Tappy, Hangars, éd. Empreintes, 2006
Au moment de la lecture Hangars est inédit

La lecture de Paysages avec figures absentes et de Hangars
a été présentée à

Café-Théâtre Le Pois Chiche, Lausanne, 23 novembre 2006
(dans le cadre des soirées lectures de l’association Passeurs de mots, responsable : Béatrice Leresche)

Je n’ai presque jamais cessé, depuis des années, de revenir à ces paysages qui sont aussi mon séjour. Je crains que l’on ne finisse par me reprocher, si ce n’est déjà fait, d’y chercher un asile contre le monde et contre la douleur, et que les hommes, et leurs peines (plus visibles et plus tenaces que leurs joies) ne comptent pas assez à mes yeux. Il me semble toutefois qu’à bien lire ces textes, on y trouverait cette objection presque toute réfutée. Car ils ne parlent jamais que du réel (même si ce n’est qu’un fragment), de ce que tout homme aussi bien peut saisir (jusque dans les villes, au détour d’une rue, au-dessus d’un toit).
(…)
J’ai pu seulement marcher et marcher encore, me souvenir, entrevoir, oublier, insister, redécouvrir, me perdre. Je ne me suis pas penché sur le sol comme l’entomologiste ou le géologue : je n’ai fait que passer, accueillir. J’ai vu ces choses, qui elles-mêmes, plus vite ou au contraire plus lentement qu’une vie d’homme, passent.
Quelquefois, comme au croisement de nos mouvements (ainsi qu’à la rencontre de deux regards il peut se produire un éclair, et s’ouvrir un autre monde), il m’a semblé deviner, faut-il dire l’immobile foyer de tout mouvement ? ou est-ce déjà trop dire ? Autant se remettre en chemin…

(P.Jaccottet, Paysages avec figures absentes)

Sous l’épaisseur du gel
travaille un feu
coriace
invisible à l’air libre
il brûle
contre la masse
ronge le silence
le dévore

(José-Flore Tappy, Hangars)


photo © Jeanne Quattropani