Aires
de repos sur l'autoroute de l'information
Un
point de vue sur le désastre de notre temps
Aires de repos… est la chronique d’une
époque personnellement vécue, d’un
journal sur les années nonante. L’écriture
d’Yves Rosset représente un acte de résistance
contre un processus de désintégration
qui menace sa relation au monde.
L’adaptation
theatrale
Au fil des pages de Aires de repos…
deux personnages s’affirment : deux êtres
humains qui labourent le terreau de leur propre humanité.
Un homme et une femme qui se trouvent dans un entre-deux
dangereux mais vivant, borné d’un côté
par la nostalgie d’une innocence originelle,
et de l’autre côté par le désir
de se réapproprier cette innocence perdue.
photos © Becker
ELLE : Hier
soir, à la télévision, j’ai
vu des visages d’enfants atteints du cancer
à la suite de Tchernobyl. On les caressait,
on les massait, on les traitait. Ils les soignaient,
mais dans leurs yeux il y avait déjà
une manière de certitude de la mort. C’est
ce que je projetais dans les images. Elles me rongent
comme ces maladies qu’on ne peut pas traiter.
Mais qui sait quoi ? Qu’est-ce qu’ils
ont montré et qu’ai-je vu ? Hiroshima
mon amour ? Oui, une fois au cinéma..
LUI : Non, tu n’as
rien vu à Hiroshima.
ELLE : J’ai vu
quelque chose à la télévision
et ensuite j’ai zappé.
(extrait de l’adaptation)

Presse – extraits
Coopération,
16 juin 2004, Bertil Galland
(…) Le secret de Rosset, c’est que, mine
de rien, il sauve la flammèche de l’intelligence
dans l’hyperaujourd’hui, la publangue,
les violences qu’on reluque, les détails
de la techno, la solitude du couple, le gigaconfort
des spots TV.
(…)
Comment expliquer à notre enfant le chaos où
nous sommes empêtrés ? Cette question
prend un tour dramatique lorsqu’un homme de
théâtre – Georges Brasey –
l’inscrit dans un dialogue et des vérités
de situation. Les phrases de Rosset dans le livre
semblaient se téléscoper. Sur scène
elles se détachent prodigieusement par la confrontation
d’un jeune couple.
(…)
Les deux comédiens déploient le flux
de pensée de l’écrivain, sa chaîne
de mots et d’humeur comme autant d’explosions
dans notre existence problématique.

24 Heures, 15
mai 2004, Michel Caspary
(…) Sur scène un dispositif simple et
blanc, évoquant salon, salle à manger
et chambre à coucher. Au centre une petite
télévision : on y voit au début,
des bribes d’un documentaire, relatant la libération
des prisonniers dans le camp de concentration d’Auschwitz,
et qui tente de faire la part entre vérités
des faits et manipulations des images. A gauche et
à droite, sur les murs du théâtre,
deux grands écrans : on y passe de la
pub qui vante les beautés d’un smiling
world.
Le travail d’adaptation est énorme. Mais
reste entre deux : le dialogue et la prose, le
vécu et l’imagé, le concret et
l’abstrait. L’homme est écrivain,
il cherche sa place dans la société
et une raison pour le faire.. Un peu schématiquement,
il serait l’intellect là où la
femme serait l’émotion, la chair. (…)
plus d’ancrage dans un quotidien mieux affirmé
aurait évité ces instants encore trop
artificiels. Les deux comédiens oscillent entre
le dit et l’incarné. Quand leurs mots,
et et en particulier ceux du mari, s’envolent
du côté de la déclamation poétique
ou existentielle, on reste à quai. Quand ils
empruntent le chemin du jeu, on les suit avec un vif
intérêt.

Le Courrier,
21 mai 2004
(…) Peu à peu, c’est le monde actuel
qui paraît en filigrane : un monde pressé,
technologique, injuste, truffé de mots anglais
– ça en devient d’ailleurs un peu
énervant à la longue… - où
un journal de bord empêche que ne se désintègre
complètement la relation entre le personnage
masculin et ce qui l’entoure.
(…)
Lorsqu’il s’agit de créer une ambiance,
le résultat est convaincant (…) on peut
cependant rester sceptique quant à la moelle,
c’est à dire le flot de mots déversé
par les acteurs (par ailleurs très compétents),
un peu trop soûlant pour que le propos puisse
toujours s’en extraire de manière intelligible.

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